Une aventure esthétique et technique
Période 1 (1982/86)
née avec la pièce fondatrice Cacophonie tribale,
créée par François Duconseille et mise en
musique par Philippe Doray pour le Musée d'Art moderne
de Paris. Viennent ensuite les premiers développements
du système mis à l'uvre dans Cacophonie tribale,
un dialogue entre deux cercles de haut-parleurs, dont l'un est
mobile.
Les diverses pièces créées lors de cette
période sont toutes de nature électroacoustique,
les rares représentations publiques, où l'improvisation
est prépondérante, procèdent de ce que les
Anglo-Saxons appellent performance.
Période 2 (1987/91)
Le paysage technique et conceptuel change avec l'apport de
Laurence Garcette : l'ensemble des pièces devient électronique
et exactement reproductible (programmation informatique). Si
l'improvisation demeure, elle n'est plus dans la structure des
pièces, mais s'y superpose (saxophones, flûtes,
guitares électriques). Bien que créée pour
un espace sonore circulaire, la musique peut encore être
reproduite, plus ou moins fidèlement, dans un espace stéréophonique
(CD Période 2, Mélodie).
Période 3 (1991/96)
Avec le Concert permanent, le mode de composition se transforme.
Tout le rapport phrasé/harmonie de l'écriture est
remis en question au bénéfice de l'espace sonore.
L'auditeur n'est plus invité à entendre un discours
musical structuré par la phrase, le motif mélodique
ou rythmique, mais à s'immerger dans un espace sonore
instable où les motifs sonores se mettent à jouer
de son attention, et différemment en fonction de l'espace,
du mouvement et du temps (endroit d'où l'on écoute,
déplacement de l'auditeur, durée d'audition, tous
librement choisis). Avec la Période 3, la salle de concert
n'est plus le lieu de la musique. La Gyrophonie s'entend en plein
air, au cur de la ville, et admet le bruit urbain et mécanique,
non pas comme un vocabulaire bruitiste, mais comme un contexte
nécessaire (le mur qui supporte la toile, pour décrire
analogiquement le principe). Avec la Période 3, tout enregistrement
devient impossible, à moins qu'il ne s'agisse d'un simple
reportage; c'est la reproduction qui devient inimaginable.
Depuis 1997 ...
Avec divers projets de commande écrits pour des espaces
sonores spécifiques, la relation entre écriture
et espace évolue. Le système gyrophonique seul
ne peut suffire à maîtriser les lieux complexes
dans lesquels il est appelé à se faire entendre;
mais il peut s'y inscrire et y apporter sa rationalité,
sa géométricité pourrait-on dire : le rapport
circulaire créé par la Gyrophonie devient la référence
centrale à partir de laquelle construire de nouvelles
perspectives sonores.
Deux Résidences d'artiste en région Haute-Normandie,
vont permettre de développer, concrètement, ces
espaces complexes.
Dès la première, dans la ferme historique de Haute-Crémonville
(1997/98) en faisant sonner toute une architecture (dedans/dehors),
mais en maintenant le contrepoint gyrophonique au cur de l'écriture,
les Gyrophonies sont parvenues à créer de nouvelles
émotions sonores pour des auditeurs en mouvement.
Avec les Mobiles sonores (été 1999, dans
le parc du château d'Oissel), l'espace musical devient
plus complexe encore, sans recours possible à l'espace
architectural clos, mais avec les distances et le temps de la
promenade. Il se développe de dimanche en dimanche, chaque
fragment de temps et d'espace concourant à la scénographie
finale du concert nocturne de plein air.
Technologie et musique
L'aspect technique n'est pas le plus important, mais est loin
d'être négligeable car, pour créer les conditions
acoustiques optimales d'espaces musicaux et sonores nouveaux,
l'imagination et la technicité des ingénieurs sont
mises à contribution. De même les instruments couramment
utilisés sont ceux de la lutherie contemporaine, synthèse,
ordinateurs, électro-amplification. Toutefois il faut
souligner que certaines de ces données sont à peine
perceptibles par l'auditeur, tant reste discrète la régie.
Le seul élément technologique incontournable est
évidemment la machine gyrophonique, mais sa fonction est
plutôt perçue comme totémique*.
Dans l'univers de la science-fiction, c'est la fiction qui l'emporte;
de même, dans la gyrophonie, la géométrie
de l'aluminium compte moins que l'évocation d'un primitivisme
magique, tribal, lieu de la communication avec les forces transcendantales,
la matière même de la musique et de la danse.
La Gyrophonie peut être aussi cela : l'auditeur qui se
met à danser librement autour du totem, le musicien de
passage qui sort son instrument et dialogue avec la machine.
A ce moment, la technique est balayée au profit du corps,
de la fascination, voire de la transe. Il y a, nichés
dans les durées aléatoires et la vacance des espaces,
des moments d'extrême intensité, spontanés
ou prévus (l'heure annoncée du concert).
* Une nouvelle machine, incluant des éléments
visuels, est en projet, avec l'aide de l'Institut national des
Sciences appliquées et de l'Esigelec.
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